Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/476

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coup d’efforts et de frais. Au reste, comme il est convenu que les femmes ne se parent que pour les autres femmes, et qu’elles sont infatigables à rivaliser entre elles de parure, celles-là m’étaient les plus agréables, qui, par une simple toilette, donnent à leur ami, à leur fiancé, la secrète assurance qu’elles n’ont pris ce soin que pour lui, et que, sans beaucoup d’embarras et de frais, les choses pourront continuer ainsi toute la vie.

Les personnes de ce caractère ne sont pas trop occupées d’elles-mêmes ; elles ont le temps d’observer le monde extérieur, et la patience nécessaire pour se régler sur lui, s’accommoder à lui ; elles deviennent habiles et sages sans efforts ; peu de livres suffisent à leur culture. Le fiancé, d’un caractère parfaitement loyal et confiant, mettait bientôt en relation avec sa fiancée tous ceux qu’il estimait, et, comme il se livrait assidûment aux affaires, la plus grande partie du jour, il la voyait avec plaisir, après qu’elle avait vaqué aux occupations domestiques, prendre quelque récréation, et faire avec leurs amis et leurs amies des promenades et des parties de campagne. Charlotte était sans prétention, d’abord parce qu’elle était naturellement disposée à une bienveillance générale plutôt qu’aux inclinations particulières ; ensuite elle s’était destinée à un homme digne d’elle, qui se déclarait prêt à s’unir avec elle pour la vie. Autour d’elle régnait la sérénité la plus pure. C’est déjà un charmant spectacle de voir des parents voués sans relâche au soin de leur famille, mais il y a quelque chose de plus aimable encore dans le dévouement d’un frère ou d’une sœur. Dans le premier cas, nous croyons voir plutôt l’instinct et la coutume civile ; dans le second, le choix et le libre sentiment.

Le nouveau venu, complètement affranchi de tous liens, tranquille en présence d’une jeune fille, qui, déjà promise, ne pouvait s’expliquer comme une recherche les attentions les plus empressées, et n’en pouvait être que plus flattée, s’abandonna sans trouble à ses sentiments ; mais il fut bientôt tellement enveloppé et enchaîné, et traité en même temps par le jeune couple avec tant de confiance et d’amitié, qu’il ne se reconnaissait plus. Oisif et rêveur, parce que nul objet ne pouvait lui suffire, il trouva ce qui lui manquait dans une amie qui, en même temps qu’elle vivait pour l’année entière, semblait ne