Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/498

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résultent les grands applaudissements que ces pièces obtiennent toujours. Elles furent constamment goûtées dans l’Allemagne méridionale, où elles se maintiennent encore, sans autre nécessité que de faire de temps en temps au caractère des masques bouffons quelque changement, motivé par celui des personnes. Toutefois le théâtre allemand, pour se conformer au caractère sérieux de la nation, se tourna bientôt vers la morale, et cette révolution fut accélérée par une cause extérieure. Parmi les chrétiens rigides s’éleva la question de savoir si le théâtre était au nombre des choses coupables et, dans tous les cas, au nombre de celles qu’il fallait éviter ; ou s’il était au nombre des indifférentes, qui peuvent être bonnes pour les bons et ne sont mauvaises que pour les méchants. Les zélateurs austères niaient la dernière proposition, et prétendaient qu’aucun ecclésiastique ne devait jamais aller au spectacle. On ne pouvait soutenir rigoureusement la thèse contraire qu’en présentant le théâtre, non-seulement comme inoffensif, mais encore comme utile. Pour être utile, il devait être moral, et il s’empressa de prendre ce caractère dans l’Allemagne du Nord. Une sorte de fausse délicatesse ayant fait écarter le personnage plaisant, qui dut disparaître, malgré ce que de bons esprits alléguèrent en sa faveur, et quoiqu’il eut passé de la rudesse du Jean Farine allemand à l’élégance et à la gentillesse des arlequins italiens et français. Scapin et Crispin disparurent eux-mêmes insensiblement. J’ai vu Koch, dans sa vieillesse, jouer le dernier pour la dernière fois.

Les romans de Richardson avaient déjà fait connaître à la société bourgeoise une délicate moralité. Les suites funestes et inévitables de la faute d’une femme étaient analysées dans Clarisse d’une manière cruelle. Lessing traita le même sujet dans Miss Sara Sampson. Le Marchand de Londres montra dans la situation la plus horrible un jeune homme séduit. Les drames français avaient le même but, mais ils procédaient plus modérément, et savaient plaire en finissant par tout arranger. Le Père de famille de Diderot, l’Honnête criminel, le Vinaigrier, le Philosophe sans le savoir, Eugénie et d’autres ouvrages pareils étaient conformes au respectable esprit de cité et de famille, qui prévalait de plus en plus. Chez nous, le Fils reconnaissant, le Déserteur par amour filial et leur séquelle avaient la même tendance. Le Ministre, Clémentine et les autres pièces de Gobler, le Père de famille allemand de Gemmingen, tous présentaient le spectacle sentimental des vertus de la classe moyenne et même de la classe inférieure, et ravissaient le grand public. Eckhof, par son noble caractère, qui prêtait à la condition du comédien une certaine dignité, dont elle avait manqué jusqu’alors, releva extraordinairement les premiers rôles de ers pièces, car, en honnête homme qu’il était, il rendait parfaitement l’expression de l’honnêteté.

Tandis que la scène allemande tombait ainsi dans un amollissement complet, Schrœder parut, comme auteur et comme acteur, et les relations de Hambourg avec l’Angleterre le conduisirent à mettre en œuvre des comédies anglaises. Il ne pouvait faire de ces matériaux qu’un emploi très-général, car les originaux sont, la plupart, informes, et, s’ils commencent bien et régulièrement, ils finissent par se perdre dans le vague. Il semble que toute l’affaire des auteurs soit de réussir à présenter les