Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/564

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A. Pauvre courtisan, tu ne peux
Te gratter même quand tu veux !
B. Mais le démagogue, en échange,
Se gratte où rien ne le démange.
A. Qui prend maître me fait pitié :
Il perd la moitié de sa vie,
Et bientôt, pleurant sa folie,
Donne au diable l’autre moitié.
B. Plaire au prince est-il mon étude,
Tôt ou tard je m’en trouve bien :
Qui veut plaire à la multitude
Au bout de l’an n’arrive à rien.
A. Votre blé fleurit chez le prince….
Mais par qui sera-t-il mangé ?
De son froment même on évince
Celui qui l’avait engrangé.
B. Le blé fleurit, le blé mûrit,
C’est notre vieille ritournelle ;
Et, si la grêle nous meurtrit,
A nouvel an moisson nouvelle.
A. Veux-tu narguer tous les tyrans ?
Demeure dans ta maisonnette ;
Avec ta femme et tes enfants,
Régale-toi de ta piquette.
Ton repas sans doute est frugal,
Mais des rois tu marches l’égal.
B. Des tyrans tu veux fuir la chaîne ?…
Au bout du monde apparemment ?…
Prends les choses plus doucement.
A son gré la femme te mène ;
Ton sot bambin lui fait la loi :
Tu n’es qu’un esclave chez toi.

Au moment où je rassemble ces rimes, que je tire de vieux papiers, il me tombe dans les mains un grand nombre de ces joyeux exercices, où notre plaisir était d’amplifier de vieilles sentences allemandes, et de leur opposer ensuite d’autres proverbes, qui se vérifiaient tout aussi bien par l’expérience. Mais toutes ces répliques ne pouvaient changer les sentiments de mon père. Il avait coutume de réserver pour la conclusion son argument le plus fort, et il retraçait en détail l’aventure de Voltaire avec Frédéric II ; comme quoi la faveur extrême, la familiarité, les prévenances mutuelles, avaient cessé et disparu tout à coup ; comme quoi nous avions pu voir ce poète, cet écrivain éminent, arrêté par des soldats de Francfort, à la réquisition