Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/634

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voulaient donner son signalement. Nul ne songe qu’il n’a qu’un moment pour se présenter, observer avec curiosité et, encore, à sa manière seulement : de la sorte, la personne visitée peut sembler, avec ou sans fondement, humble ou fière, taciturne ou expansive, triste ou gaie. Dans le cas particulier, je puis dire, pour m’excuser, qu’aucunes paroles ne pourraient donner une idée assez favorable du vénérable vieillard. Heureusement son portrait par J. F. Bause le représente exactement tel qu’il nous est apparu, avec son regard contemplatif et rêveur.

Ce fut pour moi un plaisir particulier, non pas inattendu, mais vivement souhaité, de trouver à Zurich mon jeune ami Passavant. Il appartenait à une notable famille calviniste de ma ville natale, et vivait en Suisse, à la source de cette doctrine qu’il devait prêcher un jour. D’une taille peu élevée mais bien prise, il avait dans sa physionomie et dans toute sa personne quelque chose d’agréable, de vif et de résolu ; la barbe et les cheveux noirs, les yeux vifs et, dans toute sa manière d’être, une activité modérée et sympathique. Nous nous étions à peine embrassés et salués l’un l’autre, qu’il me proposa de visiter les petits cantons, qu’il avait déjà parcourus avec ravissement, et qu’il voulait me faire admirer à mon tour. Tandis que j’avais discouru avec Lavater sur les objets les plus pressants et les plus importants, et que nous avions à peu près épuisé les sujets qui nous intéressaient tous deux, mes joyeux compagnons de voyage avaient déjà fait diverses courses et s’étaient promenés, à leur manière, dans la contrée. Passavant, en m’accueillant avec une cordiale amitié, croyait s’être acquis par là un droit exclusif à ma société, et, en l’absence des Stolberg, il réussit d’autant mieux à m’attirer dans les montagnes, que j’étais moi-même décidé à faire dans le plus grand repos et à ma façon ce pèlerinage longtemps désiré. Nous nous embarquâmes, et, par une brillante matinée, nous remontâmes ce lac magnifique. Puisse la poésie que je vais citer donner quelque idée de ces heureux moments !

« Et je puise une vive nourriture, un sang nouveau, dans la libre étendue. Qu’elle est gracieuse et bonne, la nature qui me presse dans ses bras ! Le flot berce notre nacelle aux coups