Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/636

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nous devions aussi parcourir ; nous le suivîmes, à ce qu’il nous semblait, plus gaiement. Car les usages de l’Église romaine sont imposants et significatifs pour le protestant, en ce qu’il reconnaît uniquement le principe intérieur qui leur a donné naissance, le caractère humain qui les propage de génération en génération, et qu’il pénètre ainsi jusqu’au noyau, sans s’arrêter pour le moment à la coque, à l’enveloppe, à l’arbre même, à ses rameaux, à ses feuilles, à son écorce et à ses racines.

Enfin nous vîmes se dresser, dans une vallée déserte et sans arbres, l’église magnifique, le cloître, d’une vaste étendue, au milieu d’un établissement proprement tenu, et capable de recevoir assez convenablement un grand nombre d’hôtes divers. Dans la grande église, la petite, ancien ermitage du saint, incrustée en marbre et transformée, autant que possible, en une décente chapelle, était pour moi quelque chose de nouveau, que je n’avais encore jamais vu ; ce petit vase était entouré et surmonté de piliers et de voûtes. C’était un sujet de sérieuses réflexions, qu’une étincelle unique de moralité et de piété eût allumé dans ce lieu une petite flamme, toujours lumineuse et brûlante, vers laquelle des troupes de croyants venaient en pèlerinage, avec de grandes difficultés, pour allumer aussi leur petit cierge à cette sainte flamme. Quoi qu’il en soit, cela annonce dans l’humanité un besoin immense de la même lumière, de la même chaleur, que le premier adorateur a sentie et entretenue dans le fond de son cœur avec une foi parfaite.

On nous conduisit dans le trésor ; assez riche et imposant, qui offrait surtout aux yeux étonnés les bustes de grandeur naturelle, et même colossale, de saints et de fondateurs. Mais une armoire qu’on ouvrit ensuite excita tout autrement notre attention. Elle contenait d’antiques raretés, vouées et honorées dans ce lieu. Différentes couronnes, remarquables ouvrages d’orfèvrerie, fixèrent mes regards, et l’une d’entre elles les captiva enfin entièrement. C’était une couronne à pointes, dans le goût du vieux temps, comme on en voyait sur la tête des reines, mais dessinée avec un goût infini, exécutée avec un travail prodigieux. Les pierres colorées étaient distribuées avec un discernement et une habileté admirables ; bref, c’était un de ces ouvrages qu’on déclare parfaits dès le premier coup d’œil,