Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des personnes inconnues ; on faisait ses préparatifs pour un nouveau’départ.

1" octobre 1792.

Le duc de Weimar conduisait l’avant-garde et couvrait en même temps la retraite des bagages. L’ordre et le silence régnèrent cette nuit, et l’on se berçait dans ce repos, lorsqu’à minuit, l’ordre vint de partir. Tout annonçait que cette marche n’était pas sûre, à cause des coureurs qui pouvaient nous menacer de la forêt de l’Argonne. Eût-on rnême fait un accord avec Dumouriez et l’autorité supérieure, ce qui ne pouvait être envisagé comme certain, l’obéissance n’était pas à l’ordre du jour, et la troupe postée dans la forêt pouvait fort bien se déclarer indépendante et faire une tentative pour nous perdre, ce que personne n’aurait désapprouvé.

Ce jour-là encore nous fîmes peu de chemin. La pensée était de tenir ensemble les équipages et l’armée, et de marcher du même pas que les Autrichiens et les émigrés, qui faisaient leur retraite parallèlement, sur notre flanc gauche. Nous fîmes halte vers huit heures, aussitôt que nous eûmes dépassé Rouvray. On dressa quelques tentes. La journée était belle, et le repos ne fut pas troublé.

Je trouve à propos de rapporter ici un vœu plaisant que je fis dans ces jours de détresse : je promis, si je voyais une fois l’armée hors d’affaire et si je rentrais dans mes foyers, de ne jamais faire entendre une plainte sur le pignon de mon voisin, qui masque la vue de ma chambre, ce pignon que mon plus ardent désir était bien plutôt de revoir à cette heure ; en outre, je ne me plaindrais plus à l’avenir de malaise et d’ennui dans un théâtre allemand, où l’on peut du moins rendre toujours grâce à Dieu d’être sous le toit, quelque chose qui se passe sur la scène. Je fis encore un troisième vœu, mais il est sorti de ma mémoire.

C’était déjà quelque chose que chacun sût si bien se tirer d’affaire par lui-même ; les bêtes de somme et les voitures, les lummes et les chevaux, restaient ensemble, chacun dans sa division. Pour nous, à chaque halte, à chaque campement, nous trouvions la table dressée, des chaises et des bancs ; la chère