Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/118

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naire, et il avait régalé mon serviteur, en le chargeant d’inviter son maître, qu’il promettait de traiter aussi bien.

Mais nous ne devions pas avoir si bonne chance. A peine avionsnous pendu la marmite sur le feu, qu’une ordonnance arriva, qui nous signifiait gracieusement, au nom du commandant, M. de Corbière, que nous devions faire nos préparatifs pour quitter Verdun le lendemain à huit heures. Extrêmement surpris de devoir quitter précipitamment notre asile, sans pouvoir seulement nous remettre un peu, et de nous voir rejetés dans le monde horrible et fangeux, nous alléguâmes la maladie du jeune gentilhomme et du valet de chambre, sur quoi on nous conseilla de chercher à les transporter plus loin aussitôt que possible, parce que les hôpitaux devaient être évacués pendant la nuit, et qu’on ne laisserait que les malades absolument hors d’état d’ôtre transportés. Nous fûmes saisis d’horreur, car jusqu’alors personne n’avait douté que les alliés ne gardassent Verdun et Longwy, si même on ne prenait pas encore quelques places fortes, pour se ménager de sûrs quartiers d’hiver. Nous ne pouvions renoncer tout d’un coup à ces espérances : aussi nous parut-il probable qu’on voulait seulement délivrer les places fortes des malades sans nombre et de l’incroyable cohue qui les encombrait, afin de pouvoir y loger ensuite les garnisons nécessaires. Toutefois le camérier Wagner, qui avait remis au commandant la lettre du duc, croyait voir dans ces mesures les plus fâcheux indices. Mais, quelle que fïit en somme l’issue de tout cela, nous devions cette fois nous résigner à notre sort, et nous mangions tranquillement notre simple pot-au-feu, quand une nouvelle ordonnance arriva, qui nous invitait à faire notre possible pour quitter Verdun à trois heures du matin, sans délai ni demeure. Le camérier Wagner, qui croyait savoir le contenu de la lettre adressée au commandant, y voyait un aveu formel que la place serait aussitôt rendue aux Français. Là-dessus nous pensâmes à la menace du jeune garçon ; nous pensâmes à la jolie demoiselle si bien parée, aux fruits et aux fleurs, et nous déplorâmes pour la première fois avec une douleur vive et profonde la fin désastreuse d’une grande entreprise.

Quoique j’eusse trouvé dans le corps diplomatique de vrais et honorables amis, aussi souvent que je les rencontrais au mi-