Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/285

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jouer ; là on rencontre un jeune homme, qui, désespéré de ses pertes, néglige sa maltresse, oublie sa fiancée ; tout à coup la nouvelle éclate que la banque a sauté ! Cela arriva en effet une fois à rouge et noir. Le gagnant eut la prudence de se jeter aussitôt dans une chaise de poste, pour mettre en sûreté chez des parents et des amis son trésor inattendu. Il revint, à ce qu’il parut, avec une bourse moins bien garnie, car il vécut sans bruit, comme s’il ne fût rien arrivé.

Vous ne pouvez séjourner dans cette contrée sans qu’on vous rappelle ces anciennes histoires dont les écrivains romains nous font de si glorieux récits. Ici est encore visible la circonvallation d’une montagne ; là, une suite de collines et de vallées, qui ont pu être le théâtre de certaines marches et de certaines batailles. Voilà un nom de montagne, un nom de ville, qui semble un indice de ces temps éloignés ; des usages traditionnels rappellent même ces anciens âges et leurs fêtes barbares. On a beau se défendre, on a beau témoigner son éloignement pour ces recherches, qui vous mènent de l’incertain au plus incertain, on se trouve pris comme dans un cercle magique ; on identifie le passé avec le présent ; on réduit l’espace le plus vaste aux plus étroites limites, et l’on finit par trouver du plaisir à se figurer un moment qu’on a amené à l’évidence l’objet le plus insaisissable. Toutes ces conversations, jointes à la lecture des brochures, des livres et livrets de tout genre, qui se rapportent plus ou moins à Pyrmont et au voisinage, m’inspirèrent la pensée d’un récit dont je traçai sur-le-champ le canevas ; mais ce travail m’aurait mené trop loin, et il dut rester à l’état de projet ou de rêverie.

J’avais passé les derniers jours d’une manière peu agréable, et je commençais à craindre que ce séjour à Pyrmont ne me fût pas salutaire ; j’étais devenu tellement irritable que j’en avais perdu le sommeil et que, le jour, le moindre sujet me mettait hors de moi. Je partis donc le 17 juillet, peu satisfait des résultats de mon séjour.

Grâce au mouvement et à la distraction du voyage, et surtout à ce que j’avais cessé de prendre ces eaux minérales excitantes, j’arrivai en bonnes dispositions à Goettingue. Mon but, en y prolongeant mon séjour, était decombler les lacunes qui res-