Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/287

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presque toujours en pure perte. Le chien de la maison, debout à la fenêtre sur nos têtes, excitait ses confrères en leur donnant la réplique.

Ce n’était pas tout. Étions-nous endormis, le son formidable d’un cor nous réveillait. Je croyais l’entendre à mes oreilles, sous mes rideaux. Un garde de nuit remplissait son office sous ma fenêtre, et, pour comble de malheur, ses confrères lui répondaient de tous les coins de rue, afin de nous assurer par des sons effroyables qu’ils veillaient pour la sûreté de notre repos. Réduit au désespoir, j’entrai en négociation avec la police, qui eut la bonté d’imposer silence à la plupart de ces cors en faveur du bizarre étranger, tout prêt à jouer dans Humphry Clinker le rôle de l’oncle, qu’une couple de cors de chasse rendent effectivement fou.

Instruit, joyeux et reconnaissant, je partis de Goettingue le 14 août. Je visitai les carrières de basalte de Dransfeld, dont l’apparition problématique inquiétait déjà les naturalistes. Je montai sur le Hahn, où, favorisés par un beau temps, nous jouîmes d’un vaste panorama, et nous pûmes saisir nettement l’ensemble de la contrée depuis le Harz jusqu’à nous. Enfin j’arrivai à Cassel, où je trouvai les miens et le professeur Meyer.

Je gagnai ensuite Gotha, où le prince Auguste, qui m’honorait dès longtemps de son amitié, me reçut dans sa belle maison d’été, et, pendant tout mon séjour, resserra le cercle de ses convives, parmi lesquels je trouvai les personnes les plus chères. M. de Grimm, qui avait fui devant les horreurs de la Révolution un peu avant Louis XVI, plus heureux que ce monarque, avait trouvé un sûr asile dans cette cour, dès longtemps amie. Homme du monde, homme expérimenté et convive agréable, il ne pouvait néanmoins toujours dissimuler une profonde amertume des pertes qu’il avait faites. Voici un exemple qui montre comme en ces temps-là toutes les valeurs se réduisaient à rien. Au moment de fuir, Grimm avait laissé à son homme d’affaires quelques centaines de mi’le francs en assignats. Ils furent déjà réduits par les mandats à une moindre valeur, et, tandis que toutes les personnes prévoyantes, s’attendant à voir aussi ces papiers tomber à rien, lâchaient de