Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/292

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perdu ; on ne voyait que ce qu’on pouvait acquérir encore. Et cela nous était d’autant plus facile que nous pouvions compter sur les nobles sentiments de nos princes, pour qui les aventures de cour et de ville étaient choses indifférentes et passagères ou même divertissantes.

De jeunes sujets venaient de temps en temps renouveler le personnel de notre théâtre : mais je me fais un devoir de rappeler un triste événement. Corona Schrœter mourut. Je ne me sentais pas alors en état de lui consacrer un hommage bien mérité, et je me rappelai avec un singulier plaisir que je lui avais voué, bien des années auparavant, un souvenir, que je n’aurais pas su rendre maintenant plus caractéristique. C’était justement à l’occasion d’une autre mort, celle de Mieding, le décorateur du théâtre, que j’avais célébré notre belle amie avec une grave sérénité1. Mais ce ne fut pas un présage pour Corona ; sa belle figure, sa gaieté charmante, se conservèrent encore de longues années. Elle aurait dû rester plus longtemps en rapport avec le monde, auquel elle avait renoncé.

J’ajouterai sur le théâtre, que nous eûmes cette année la bonhomie d’assigner un prix pour une comédie d’intrigue. Nous en reçûmes successivement une douzaine, mais la plupart si mauvaises et si extravagantes que nous ne pouvions assez nous étonner des bizarres et fausses tendances qui régnaient secrètement dans notre chère patrie, et qui s’étaient fait jour à notre appel. Nous ne prononçâmes pas, il n’y avait pas lieu de le faire, et, sur leur demande, nous renvoyâmes aux auteurs leurs ouvrages.

Il faut dire encore que, cette année, nous commençâmes à faire connaissance avec Caldéron, dont les premiers chefsd’œuvre nous remplirent d’abord d’étonnement.

Au milieu de mes autres occupations, les soins que j’avais voués aux musées d’Iéna depuis plusieurs années m’occupèrent beaucoup, et souvent d’une manière désagréable.

Le théâtre de Lauchstaedt fut reconstruit, et je composai pour l’ouverture un prologue qui fut favorablement accueilli. De Lauchstaedt, où je m’étais rendu, j’allai voir mes amis de Halle,


1. Tome I, page 231.