Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/321

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l’usage si salutaire, qu’il en avait toujours de prêts eomme mets savoureux pour d’honorables convives, et aussi comme remède efficace dans des cas désespérés. Épuisé par des travaux importants, il s’était trouvé sans connaissance, à la dernière extrémité, quand un jeune élève, qui lui était tendrement attaché, lui avait présenté un plat d’écrevisses et l’avait obligé d’en manger copieusement. Ce secours l’avait rendu à la vie.

Dans une promenade que nous fîmes pour aller rendre visite à une noble famille dont il était le médecin, il nous parla de, ses prouesses d’enfant et de jeune homme. Trois années de voyages restèrent dans un vague mystérieux. Au reste la possession d’innombrables curiosités, une richesse incalculable, paraissant être le résultat de son genre de vie, il ne pouvait manquer de trouver des gens crédules et des admirateurs. On s’accordait à attribuer sa richesse à l’invention d’une couleur qui, disait-on, remplaçait avantageusement la cochenille. Étaitil peut-être parvenu de bonne heure à perfectionner l’emploi de la garance ?…

Il avait vécu dans un temps où, les communications n’étant pas aussi promptes qu’aujourd’hui, un homme établi dans un pays écarté, comme Swedenborg, ou dans une petite université, comme Beireis, pouvait encore s’envelopper d’un voile mystérieux, évoquer des esprits, s’occuper de la pierre philosophale. N’avons-nous pas vu de nos jours Cagliostro parcourir précipitamment de grands espaces, se livrer tour à tour à ses jongleries dans le Sud, le Nord et l’Ouest, et trouver partout des partisans ? Est-ce aller trop loin que d’affirmer qu’une certaine croyance superstitieuse aux hommes possédés du démon ne cessera jamais ; qu’en tout temps, il se trouvera un lieu où le vrai problématique, que nous ne respectons qu’en théorie, pourra s’unir commodément dans la pratique avec le mensonge ?

Beireis, qui se montrait avec nous si obligeant et si communicatif, ne nous avait pas encore parlé de son fameux diamant, sur lequel on faisait mille contes. Un jour cependant, après nous avoir montré dans un volume des voyages de Tournefort le dessin de quelques diamants naturels, et nous en avoir fait observer les formes, il tira sans cérémonie de son gousset ce fameux produit de la nature. Il était gros comme un œuf d’oie,