Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/330

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m’obligea à les revoir d’un bout à l’autre, et je donnai à chaque ouvrage la plus grande attention, tout en restant fidèle à mon ancienne résolution de ne rien remanier et de ne faire aucun changement de grande importance. Je revis Faust d’une manière fragmentaire et lui donnai la forme qu’il a maintenant. Cependant l’épopée de Tell m’occupait toujours. Elle aurait pu subsister à côté de la tragédie de Schiller. Mais les derniers mois de l’année furent si menaçants, que je ne pus songer à exécuter dans l’Allemagne tourmentée un plan imaginé sur le lac des Quatre-Cantons et sur le chemin d’Altorf, au milieu d’une libre nature.

Les arts plastiques nous occupaient toujours, et nous fîmes l’acquisition d’un trésor, les dessins deCarstens, qui étaient restés entre les mains de son ami Fernow, et qu’il céda à notre musée. Tischbein, depuis son départ de Naples, avait trouvé chez le duc d’Oldenbourg une heureuse et tranquille position, et il nous donnait dans l’occasion de ses nouvelles ; il nous fit, au commencement de cette année, plusieurs envois agréables. Il offrit entre autres à la duchesse Amélie un volume in-folio de dessins à la plume, où il était particulièrement heureux. Il aimait toujours à représenter les animaux. Je me souviens d’un âne broutant des ananas en guise de chardons. Une de ses aquarelles représentait une vue par-dessus les toits d’unegrande ville. Tout près du spectateur, un jeune ramoneur est appuyé contre une cheminée. Tout ce qui, dans sa personne, pouvait admettre la couleur, était doré par le soleil levant : aimable pensée, qui nous offre le dernier fils du plus misérable métier jouissant, tout seul entre des milliers d’hommes, de ce sublime aspect de la nature.

Mais une lettre de Hackert vint m’affliger. Cet homme excellent avait été frappé d’apoplexie, et s’en était remis tout juste assez pour être en état de dicter une lettre et de la signer. J’étais navré de voir cette main, qui avait dessiné tant de lignes si pures, ne tracer qu’en tremblant et d’une manière incomplète son nom célèbre, qu’il avait écrit si souvent avec plaisir et avantage.

Les musées et les collections d’Iéna m’occupaient toujours. Au mois de septembre, à mon retour de Carlsbad, où ma mauvaise santé m’avait forcé de me rendre, je trouvai le cabinet de