Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/353

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Werner essaya de grandes et de petites tragédies, mais elles parurent inadmissibles sur notre scène.

L’art musical était en progrès au théâtre. Il fut aussi le charme de nos sociétés. Le chœur des chanteurs se perfectionnait sous la direction d’Eberwein. Le jeudi soir, on faisait une répétition, qui était ordinairement suivie d’un joyeux repas ; le dimanche, concert devant une grande et belle assemblée, et puis un déjeuner. Les exercices, un peu interrompus pendant l’été, furent repris dès l’automne.

Les arts plastiques, auxquels nous ne cessions pas de vouer un vif intérêt, produisirent cette année les plus beaux fruits.

Ma collection d’autographes de personnes remarquables s’augmenta considérablement cette année, grâce à l’obligeance d’un ami ; et je me persuadai toujours plus que l’écriture offre des indices marqués sur le caractère de la personne et sa situation présente, quoiqu’on puisse s’en rendre compte par des présomptions plus que par des notions claires : c’est le cas de toute physiognomonie, qui, toute fondée qu’elle est sur la nature, n’a perdu son crédit que pour avoir été érigée en science.

Dans la nuit du 30 au 31 janvier, nous essuyâmes un violent orage, qui exerça au loin sa fureur, et qui me causa un dommage sensible, en renversant dans mon jardin du Stern un vieux et vénérable genévrier. Il m’enleva par conséquent un fidèle témoin de jours heureux. Cet arbre, unique dans la contrée, où le genévrier ne se présente guère qu’à l’état de buisson, s’était vraisemblablement conservé de l’époque où Weimar ne s’occupait pas encore d’horticulture. On faisait à son sujet toute sorte de contes. Un ancien propriétaire, un maître d’école, devait être enterré dessous. Entre lui et la vieille maison voisine, on prétendait avoir vu de fantastiques jeunes filles qui balayaient la place. Bref, cet arbre faisait partie du merveilleux ensemble de cette demeure, dans laquelle s’étaient passées tant d’années de ma vie, et qui était devenue si chère à moi et aux miens par l’inclination et l’habitude, par la poésie et les doux songes.

Je fis dessiner par un jeune artiste l’arbre renversé, comme on le voit encore dans la bibliothèque ducale, avec l’inscription suivante : « Ce genévrier se voyait au Stern dans le jardin de M. de Goethe, conseiller intime. Il avait douze pieds de