Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/405

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le bon sens et le goût, et c’est encore ainsi qu’il traitait ses collaborateurs, pour lesquels il ne s’enthousiasmait nullement. Et tout comme, en les traduisant avec soin, il combattait souvent dans des notes les anciens, qu’il estimait tant, il lui arrivait d’affliger et même de s’aliéner par des notes critiques des collaborateurs estimés et même chéris.

Notre ami avait déjà essuyé bien des attaques pour des ouvrages grands et petits ; comme éditeur d’un journal, il dut bien moins encore manquer de querelles littéraires. Il s’y montra toujours le même. Avec lui ces guerres de plume ne durent jamais longtemps, et, si elles se prolongent un peu trop, il laisse à l’adversaire le dernier mot et poursuit sa route.

Des étrangers ont fait la remarque fort juste que les écrivains allemands ont moins égard au public que ceux des autres nations, et que, par là, on peut découvrir bientôt dans leurs ouvrages l’homme qui se développe lui-même, l’homme qui veut se contenter lui-même ; que, par conséquent, on peut y découvrir son caractère. Nous avons’déjà reconnu souvent cette qualité chez Wieland, et il sera d’autant plus intéressant de passer en revue, dans cette pensée, ses écrits comme sa vie, qu’on a voulu à diverses époques se fonder sur ses écrits pour rendre suspect le caractère de notre ami. Beaucoup de personnes s’abusent encore aujourd’hui sur son compte, parce qu’elles se figurent que l’homme divers doit être indifférente ! l’homme mobile inconstant. On ne songe pas que le caractère se rapporte uniquement à la pratique. C’est seulement dans les choses que l’homme fait, qu’il continue de faire, et auxquelles il s’attache, qu’il montre son caractère. Et, dans ce sens, il n’y eut jamais d’homme plus ferme, plus égal à lui-même que Wieland. Quand il s’abandonnait à la diversité de ses sentiments, à la mobilité de ses pensées, qu’il ne voulait permettre à aucune impression isolée de Ie maîtriser, il montrait par là même la fermeté et la sûreté de son caractère. L’homme d’esprit jouait volontiers avec ses opinions, mais, j’en atteste tous ses contemporains, il ne joua jamais avec ses sentiments. C’est ainsi qu’il gagna et se conserva beaucoup d’amis. Je ne sache pas qu’il ait eu un seul ennemi déclaré. Dans la jouissance de ses travaux poétiques, il vécut de longues années à la ville, entouré de concitoyens et