Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/432

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des détails ; ils facilitaient à l’œil la vue des rapports paria symétrie, et par là une œuvre compliquée devenait claire. Par cette symétrie même et par des oppositions, devenaient possibles, dans de légères déviations, les plus hauts contrastes.

Le soin des artistes d’opposer les unes aux autres des masses diverses, surtout de placer dans une situation régulière, les unes par rapport aux autres, dans les groupes les extrémités des corps, était au plus haut degré médité et heureux, en sorte que toute œuvre d’art, même abstraclion faite du sujet, même vue de loin et dans ses contours les plus généraux, paraît, toujours à l’œil comme un ornement. Les vases antiques nous offrent cent exemples de ce groupement gracieux, et peut-être parviendrait-on à présenter par degrés, depuis le groupe le plus tranquille d’un vase antiquejusqu’au Laocoon, si mouvementé, les plus beaux exemples d’une composition artistement symétrique, agréable aux yeux. Je ne crains donc pas de répéter que le groupe du Laocoon, outre tous les mérites qu’on lui reconnaît, est aussi un modèle de symétrie et de diversité, de repos et de mouvement, d’opposition et de gradation, qui s’offrent ensemble soit aux sens soit à l’esprit du spectateur, éveillent, à l’aspect de la grande souffrance, une agréable sensation, et tempèrent par la grâce et la beauté l’orage de la douleur et de la passion.

C’est un grand mérite pour un ouvrage d’art d’être indépendant et complet en soi. Un objet tranquille se manifeste uniquement dans son existence : il est donc complet par lui-même et en lui-même. Un Jupiter tenant la foudre dans son giron, une Junon qui se repose dans sa majesté et sa dignité de femme, une Minerve pensive et recueillie, sont des objets qui- n’ont, semble-t-il, aucun rapport avec l’extérieur, qui reposent en eux-mêmes et sur eux-mêmes, et ce sont les premiers, les plus chers objets de la sculpture. Mais dans’le cycle admirable de l’art mythologique, dans lequel les types isolés, indépendants, subsistent et reposent en eux-mêmes, il y a de plus petits cycles où les figures isolées sont supposées et mises en rapport avec d’autres. Par exemple, les neuf Muses avec Apollon, leur guide. Chacune est conçue et exécutée pour elle-même ; cependant elle devient encore plus intéressante dans l’ensemble varié du chœur.