Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/476

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brûler, que même la glace craque sous les pas du voyageur, nous voyons notre ami, tantôt pousser à travers la neige son cheval au grand trot, pour se rendre chez ses amis écartés, tantôt avec une grande file de traîneaux, dont les sonnettes retentissent, parcourir les vastes plaines, au bout desquelles une auberge hospitalière accueille les promeneurs engourdis ; la vive flamme du foyer salue les hôtes qui se précipitent dans la salle ; on danse, on chante en chœur, et la jeunesse et l’âge mûr trouvent pour se restaurer des boissons réchauffantes.

Quand le soleil revient fondre la neige, que le sol réchauffé se délivre un peu de cette enveloppe importune, le poète se hâte avec les siens de courir dans les champs ; il se ranime au premier souffle de vie de l’année, et cherche les premières fleurs. Il cueille le trèfle aux diverses couleurs, il en fait des bouquets qu’on .rapporte en triomphe à la maison, où les avant-coureurs de jouissances prochaines sont destinés à couronner une joyeuse fête de famille.

Le printemps est-il en effet arrivé, il n’est plus question du logis ; on trouve toujours le poète hors de chez lui suivant les doux sentiers autour de son lac. Chaque buisson se développe à son tour ; toutes les espèces de fleurs s’épanouissent l’une après l’autre en sa présence. Comme dans un tableau détaillé, on voit autour de lui, aux rayons du soleil, le gazon et les herbes aussi bien que les chênes et les buissons, et, au bord de l’eau tranquille, ne manquent ni le roseau ni les herbes flottantes.

Là ne l’accompagne point cette imagination transformatrice dont le travail impatient métamorphose les rochers en vierges divines, fait que l’arbre retire ses rameaux, et semble inviter le chasseur avec de jeunes bras potelés : le tendre poète se promène solitaire, comme un prêtre de la nature ; il touche d’une main légère chaque plante, chaque buisson, et les consacre comme membres d’une aimable et harmonieuse famille.

Autour de lui,, comme autour d’un habitant du paradis, jouent d’innocentes créatures, l’agneau dans la prairie, le chevreuil dans la forêt ; en même temps se rassemble tout le chœur des oiseaux, et la vie du jour s’annonce avec mille accents divers.