Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/478

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hommes, dont il fixe l’attention sur ce qui leur arrive tous les jours ; s’il exprime, s’il relève poétiquement la chose vulgaire en méditant sur elle ; s’il rend plus vive par une noble peinture la jouissance des dons du Créateur et de la nature, on osera dire qu’il est le bienfaiteur du peuple ; car le premier degré d’une véritable instruction, c’est que l’homme s’accoutume à réfléchir sur son état et, en conséquence, à le trouver digne d’envie. Qu’on chante la chanson des pommes de terre sur le champ même où se manifeste, après le long et secret travail des forces végétales, l’accroissement merveilleux qui conduit le naturaliste lui-même à de hautes méditations, sur ce champ où s’épanche de la terre une inconcevable richesse, et l’on sentira le mérite de ces poésies et d’autres semblables, où le poète, s’adressant à l’homme inculte, léger, distrait, qui croit tout connaître, essaye de le rendre attentif à ces hautes merveilles qui l’environnent tous les jours, qui donnent à tous la nourriture.

A peine tous ces biens se sont-ils produits aux regards de l’homme, que déjà l’automne revient tout doucement, et notre poète adresse des adieux touchants à une nature mourante, ou du moins qui semble mourir. Cependant il n’abandonne pas entièrement au rigoureux hiver cette végétation chérie. Des vases élégants recueillent l’arbuste, l’oignon à fleurs, afin que la retraite hivernale simule une apparence de l’été, et que, mémo dans cette saison, aucune fête ne se passe sans fleurs et sans couronnes. On a même pourvu à ce que l’oiseau, hôte de la famille, ait toujours dans sa cage un toit de fraîche verdure.

L’automne est le temps le plus favorable aux courtes promenades, aux conversations intimes dans les soirées frileuses. Tout ramène aux jouissances domestiques ; on soupire après ses amis ; le besoin de musique se fait plus vivement sentir ; le malade lui-même veut se joindre au cercle intime, et un ami mourant prend la couleur de l’année expirante.