Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/484

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pas allemand, il n’entend* autour de lui que l’ancien idiome national, agréable et doux, et ses voisins parlent des langues analogues. Même s’il approche de la mer, s’il lui arrive des navigateurs d’autres contrées, il reconnaît les syllabes radicales de sa langue, et retrouve ainsi sur des lèvres étrangères plus d’un idiotisme qu’il avait lui-même abandonné ; par là il s’accoutume plus que le Haut-Allemand, voisin de peuples d’origine toute différente, à observer, même dans la conversation ordinaire, la dérivation des mots.

Notre poète s’attache consciencieusement à cette première partie de la philologie. La dérivation le conduit à l’essence du mot, et il rétablit ainsi bien des termes expressifs ; il ramène à leur premier état ceux qu’on employait abusivement, et, s’il procède en cela avec exactitude et précaution, il ne manque pas de. hardiesse pour employer à propos un terme dur, d’ordinaire évité. Une si exacte appréciation des vocables, l’usage précis qu’il en l’ait, donnent naissance à un langage ferme, qui s’élève insensiblement de la prose aux plus hautes sphères, et qui, par luimême, y peut être le digne interprète de la poésie. Là, paraissent à leur grand avantage les constructions, les compositions, les combinaisons de mots, qui s’offrent à l’Allemand, et l’on peut bien dire qu’il se trouve dans le nombre d’inestimables exemples.

Et ce n’est pas seulement la révélation d’un langage si riche et si noble dans sa profondeur que nous admirons, ce sont tous les services que le poète a rendus par ses hautes exigences pour la rhythmique, dont il a suivi les règles les plus sévères. Ce n’est pas assez pour le satisfaire que cette vigueur de l’expression, où chaque mot est bien choisi, ne permet aucune idée accessoire, mais détermine et désigne uniquement son objet ; il exige pour la perfection l’harmonie des sons, le beau mouvement de la période, telle que l’esprit cultivé la développe de lui-même, pour que l’expression réponde parfaitement à l’objet, à la sensation, et qu’elle ait en même temps la grâce qui charme. Ici nous reconnaissons ses impérissables mérites à l’égard de la rhythmique allemande, qu’après tant d’essais incertains, il élève à une sûreté et une fermeté si désirables pour l’artiste. Voss prêta une oreille attentive aux