Page:Goethe - Hermann et Dorothée, 1886, trad. Boré.djvu/39

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les chaînes, les bijoux de ma défunte mère, dont je n’ai rien vendu jusqu’à cette heure. Il faudrait, il est vrai, faire le sacrifice de beaucoup de choses difficiles ensuite à remplacer. Les racines mêmes et les simples, recueillis par moi, je ne les abandonnerais pas volontiers, bien que la valeur, comme marchandise, ne soit pas grande. Mais en laissant pour gardien, derrière moi, mon commis, je m’éloignerais sans trop de peine, car, une fois ma bourse et ma personne sauvées, tout est sauvé ; la fuite d’un homme seul est, de toutes les fuites, la plus facile, »

— « Voisin, répliqua avec énergie le jeune Hermann, je ne partage nullement votre opinion, et je blâme vos paroles. Est-ce bien un homme honorable, celui qui, dans le bonheur comme dans l’infortune, uniquement préoccupé de lui-même, ne sait partager ni joies ni souffrances, et n’éprouve pas, au fond de son âme, le besoin d’une pareille communauté ? Actuellement, plus volontiers que jamais, je me déciderais au mariage, car, c’est surtout devant l’imminente menace du malheur qu’une brave jeune fille a besoin de la protection de l’homme, et qu’il faut à celui-ci, pour le rasséréner, la présence d’une femme. »

Le père dit là-dessus, en souriant : « Voilà comme j’aime t’entendre parler. Tu as rarement prononcé devant moi un mot aussi raisonnable. »