Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/112

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trouvait conduisait chez sa femme, chez cette belle Charlotte, dont la conversation intime avec le Comte lui avait rappelé les charmes ; ce souvenir donna le change à son délire, et il frappa à cette porte.

Charlotte n’entendit rien, car elle se promenait à grands pas dans la pièce voisine. La douleur que lui causait l’idée du prochain départ du Capitaine était si vive, qu’elle en fut effrayée. Pour rappeler son courage, elle se répétait à elle-même que le temps guérit toutes les blessures du cœur ; et si, dans un instant, elle désirait que cette guérison fût déjà achevée, elle maudissait presque aussitôt le jour où cette œuvre de destruction serait accomplie. Elle aimait sa douleur, car son amour pour celui qui en était l’objet, était d’autant plus violent, qu’elle s’était promis de le vaincre. Au milieu de cette lutte cruelle, des larmes abondantes se firent jour ; épuisée de fatigue elle se jeta sur un canapé et pleura amèrement.

L’attente et les obstacles avaient tellement irrité la bizarre exaltation d’Édouard, qu’il se sentit comme enchaîné à la porte de la chambre à coucher de sa femme. Déjà il avait frappé une seconde, une troisième, une quatrième fois, lorsque Charlotte l’entendit enfin.

C’est le Capitaine ! telle fut la première pensée de son cœur, mais sa raison ajouta aussitôt : C’est impossible !

Quoique persuadée qu’une illusion l’avait abusée, il lui semblait qu’elle avait entendu frapper ; elle le craignait, elle le désirait !

Rentrant aussitôt dans sa chambre à coucher, elle s’approcha doucement de la porte dérobée.

La Baronne peut-être a besoin de moi, se dit-elle machinalement.