Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/116

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désirait être seul avec Ottilie, en fut très-contrarié ; pour la jeune fille aussi, cette visite était importune, car elle n’avait pas encore terminé sa copie. Vers la fin du jour elle courut s’enfermer dans sa chambre, tandis que Charlotte, Édouard et le Capitaine reconduisaient les visiteurs jusqu’à la grande route, où leur voiture les avait devancés. La soirée était belle, et nos amis, qui désiraient prolonger la promenade, se décidèrent à revenir au château par un sentier qui passait devant les étangs.

Le Baron avait fait venir de la ville, à grands frais, un élégant bateau, afin de procurer aux siens le plaisir de la promenade sur l’eau, et l’on se proposa de ’essayer pour s’assurer qu’il était léger et facile à mouvoir. Ce bateau était attaché près d’une touffe de chênes, sous laquelle on devait, par la suite, établir un point de débarquement, et élever un lieu de repos architectonique, vers lequel pourraient se diriger tous ceux qui navigueraient sur le lac.

— Et que ferons-nous sur la rive opposée ? demanda Édouard, il me semble que c’est sous mes platanes chéris qu’il faut créer le lieu de débarquement qui doit répondre à celui-ci ?

— Ce point, répondit le Capitaine, est un peu trop éloigné du château ; au reste, nous avons encore le temps d’y songer.

Tout en prononçant ces mots, il entra dans le bateau, y fit monter Charlotte et saisit une rame. Déjà Édouard avait pris l’autre rame, lorsqu’il pensa tout à coup que cette promenade sur l’eau retarderait l’instant où il pourrait revoir Ottilie. Sa résolution fut bientôt prise : jetant au hasard un mot d’excuse que personne ne comprit, il sauta sur la rive et se rendit en hâte au château.