Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/143

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même pas encore quel est en effet ton projet à l’égard d’Ottilie.

— Mon projet, répondit Charlotte, est de peser avec toi lequel des deux partis dont je t’ai parlé pour elle offre le plus d’avantages.

Après avoir peint la vie du pensionnat sous tous ses rapports, elle s’étendit avec chaleur sur la douce existence qu’elle pourrait trouver près de la dame qui voulait l’associer à sa fille.

— Je voterais pour cette dernière position, dit elle, non-seulement parce que la pauvre enfant sera plus heureuse, mais parce qu’en la renvoyant à la pension, nous nous exposons à faire renaître et augmenter l’amour, qu’à son insu elle a inspiré à son professeur.

Le Baron feignit de l’approuver, mais dans le seul but de gagner du temps ; et Charlotte, qui déjà se croyait sûre de sa victoire, fixa le départ d’Ottilie pour la fin de la semaine.

Ne voyant plus dans la conduite de sa femme qu’une perfidie adroitement combinée pour lui enlever à jamais son bonheur, il prit le parti désespéré de quitter lui-même sa maison, afin de ne pas en faire chasser Ottilie, ce qui, pour l’instant du moins, lui paraissait le point principal. La crainte de voir Charlotte s’opposer à son départ, le poussa à lui dire qu’il allait s’absenter pour quelques jours, parce qu’une sage prudence lui faisait craindre de revoir Ottilie et d’être témoin de son départ.

Cette ruse eut tout l’effet qu’il en avait attendu, Charlotte se chargea elle-même des préparatifs de son voyage, ce qui lui donna le temps d’écrire le billet suivant :