Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/20

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ile que les discussions, puisque c’est par elles que l’on apprend à se connaître.

— C’est possible. Apprends donc qu’Ottilie est pour moi ce que le capitaine est pour toi. La pauvre enfant est très-malheureuse dans son pensionnat. Ma fille Luciane, née pour briller dans un monde élégant, s’y forme pour ce monde. Elle apprend les langues étrangères, l’histoire, et autres sciences semblables, comme elle joue des sonates et des variations à livre ouvert. Douée d’une grande vivacité et d’une mémoire heureuse, on peut dire d’elle que, dans le même instant, elle oublie tout et se souvient de tout. Ses allures faciles et gracieuses, sa danse légère, sa conversation animée la distinguent de toutes ses compagnes, et un certain esprit de domination inné chez elle, en font la reine de ce petit cercle. La maîtresse du pensionnat voit en elle une petite divinité qui se développe sous sa main, et dont l’éclat rejaillira sur sa maison et y amènera une foule de jeunes personnes que leurs parents voudront faire arriver à ce même degré de perfection. Aussi les lettres que l’on m’écrit sur son compte, ne sont-elles que des hymnes à sa louange, qu’heureusement je sais fort bien traduire en prose. Quant à la pauvre Ottilie, on ne m’en parle que pour accuser la nature de n’avoir placé aucune disposition artistique, aucun germe de perfectionnement intellectuel dans une créature si bonne et si jolie. Cette erreur ne m’étonne point, car je retrouve dans Ottilie l’image vivante de sa mère, ma meilleure amie, qui a grandi à mes côtés. Je suis persuadée que sa fille serait bientôt une femme accomplie, s’il m’était possible de l’avoir sous ma direction.

Nos conventions ne me le permettent pas, et