Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le silence solennel de la contrée, Édouard devint impatient et inquiet.

Ottilie s’aperçut enfin que le soleil venait de disparaître derrière la cime des rochers ; mais ses derniers rayons réfractés étincelaient encore sur les vitres de la maison d’été.

— Éloigne-toi, Édouard, lui dit la jeune fille, songe que nous avons souffert depuis bien longtemps avec patience et courage ; n’anticipons pas sur un avenir que Charlotte seule a le droit de régler. Je suis à toi si elle le permet ; si elle veut conserver ses droits je me résignerai. Puisque tu as la certitude que nous touchons à l’instant décisif, ayons le courage de l’attendre. Retourne au hameau, où peut-être déjà le Major te cherche en vain ; car il n’est pas naturel qu’il veuille avoir recours au moyen brutal d’un coup de canon pour t’annoncer le succès de sa démarche. Je sais qu’il n’a pas trouvé Charlotte chez elle ; mais il peut être allé à sa rencontre, et avoir besoin maintenant de te parler. Que sais-je tout ce qui peut être arrivé. Laisse-moi, Charlotte va revenir, elle m’attend là haut à la maison d’été, moi et surtout son enfant.

Ottilie parlait avec un désordre et une vivacité extraordinaires ; elle se sentait si heureuse en présence d’Édouard, et cependant elle comprenait la nécessité de l’éloigner.

— Je t’en conjure, mon bien-aimé, retourne au hameau, va attendre le Major.

— Je t’obéis, répondit Édouard, en arrêtant sur elle un regard passionné ; puis il l’attira dans ses bras : la jeune fille l’enlaça des siens et le pressa tendrement sur son cœur.

L’espérance passa sur leurs têtes comme une éto