Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/301

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dans laquelle elle est tombée l’empêche de se relever ; la main droite, qui seule est restée libre, ne lui suffit pas pour se retourner et se redresser. Après de longs et cruels efforts, elle y réussit enfin et retire l’enfant de l’eau ; ses yeux sont fermés, il ne respire plus !

En ce moment terrible, elle retrouva toute sa présence d’esprit, et sa douleur n’en fut que plus cruelle. La nacelle était arrivée presqu’au milieu du lac, la rame flottait sur sa surface immobile, pas un être vivant ne paraissait sur le rivage : au reste, quels secours aurait-elle pu attendre dans cette nacelle qui la balançait au milieu d’un élément inaccessible et perfide ?

Ce n’était qu’en elle-même que la malheureuse Ottilie pouvait trouver des ressources, elle avait souvent entendu parler des moyens par lesquels on rappelait les noyés à la vie ; elle les avait même vu appliquer à la suite du feu d’artifice par lequel Édouard avait célébré l’anniversaire de sa naissance.

Encouragée par ces souvenirs, elle déshabille l’enfant, l’essuie avec la robe de mousseline dont elle était vêtue, découvre pour la première fois à la face du ciel son chaste sein, y presse l’infortunée petite créature dont le froid glacial engourdit son cœur. Les larmes brûlantes dont elle inonde les membres raides et immobiles de l’enfant lui rendent quelque apparence de chaleur et de vie. Ivre de joie, elle l’entoure de son schall, le couvre de baisers, le réchauffe de son haleine, lui communique son souffle et croit avoir remplacé ainsi les secours plus efficaces que son isolement ne lui permet pas de lui prodiguer.

Vains efforts ! l’enfant reste sans vie dans les bras d’Ottilie, et la nacelle semble enracinée au mili