Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/303

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ne répondait rien à ses questions réitérées. Bientôt cependant il secoua la tête d’un air de doute, et lorsqu’elle lui demanda positivement s’il croyait pouvoir sauver le malheureux enfant, il laissa échapper de ses lèvres un non à peine articulé. Au même instant Ottilie quitta l’appartement, qui était la chambre a coucher de sa tante, pour passer dans la pièce voisine ; mais, à quelques pas du canapé, elle tomba sans mouvement sur le tapis.

On entendit la voiture de Charlotte entrer dans la cour, et le chirurgien courut au-devant d’elle pour la préparer au malheur qui venait d’arriver. Il ne la rencontra pas ; car, au lieu de monter directement à sa chambre à coucher, elle entra au salon où elle vit sa nièce étendue par terre sans apparence de vie. Une femme de chambre accourut du côté opposé en poussant des cris lamentables ; le chirurgien arriva presque aussitôt et fut forcé de tout avouer. Charlotte cependant croyait encore à la possibilité de rappeler son enfant à la vie ; le prudent chirurgien s’en applaudit et se borna à la prier de ne pas demander à voir son fils en ce moment, puis il s’éloigna pour l’entretenir dans son erreur, en lui faisant croire que sa présence était nécessaire auprès de son petit malade.

Charlotte s’est assise sur le canapé, Ottilie est toujours couchée sur le tapis. Sa malheureuse tante la soulève par un effort pénible, et attire sur ses genoux la belle tête de la jeune fille. Le chirurgien entre et sort à chaque instant ; il feint de redoubler d’efforts pour l’enfant, tandis qu’il ne s’occupe plus que des deux dames. Minuit vient de sonner, le silence de la mort règne dans la contrée et dans la maison. Charlotte comprend enfin qu’elle a perdu son enfant, elle