Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/322

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transports de joie ; elle lui devait un grand bonheur de famille, son fils avait servi sous ses ordres et fait une action d’éclat dont lui seul avait été témoin. Guidé par la justice, le Baron avait fait valoir cette action auprès du général en chef, et obtenu pour le jeune soldat une décoration méritée, et que l’envie et la jalousie avaient cherché à lui disputer. L’heureuse mère ne négligea rien pour lui prouver sa reconnaissance, et pour le recevoir dignement ; elle fit nettoyer en hâte son salon qui, malheureusement, lui servait en même temps de garde-meuble et d’office. Il refusa d’en prendre possession, lui dit de le réserver pour une jeune dame qu’il attendait ; et se fit arranger pour lui un petit cabinet qui donnait sur le corridor.

L’hôtesse présuma que ces mesures cachaient quelque mystère, et elle s’estima heureuse de trouver sitôt l’occasion de faire quelque chose qui pût être agréable au protecteur de son fils.

Pendant le reste de la journée Édouard fut en proie aux sensations les plus contradictoires ; tantôt il visitait la chambre qui devait servir de demeure à Ottilie, et qui, malgré son singulier mélange d’élégance et de rusticité, lui paraissait un séjour céleste, et tantôt il formait des projets sur la manière de se présenter à elle, et il se demandait s’il devait la surprendre ou la préparer à sa présence. Cette dernière opinion lui parut la plus sage, et il se mit à lui écrire le billet suivant.


ÉDOUARD A OTTILIE.

« Pendant que tu liras ce billet, ma bien-aimée, je serai là, tout près de toi. Ne t’en effraie point ; que pourrais-