Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/53

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nièce, non-seulement parce qu’il lui serait pénible de vous dire ce que vous devez savoir enfin, mais parce que, sous certains rapports du moins, elle vous doit des excuses, qu’elle a préféré vous faire faire par mon organe.

Je sais, plus que tout autre, combien la bonne Ottilie est incapable de manifester publiquement ce qu’elle sait et ce qu’elle vaut ; aussi ai-je tremblé pour elle à mesure que je voyais approcher la distribution des prix. Nous ne tolérons point, dans notre institution, les mille petites ruses par lesquelles on vient ailleurs au secours des jeunes personnes ignorantes ou timides ; au reste, Ottilie ne s’y serait pas prêtée. En un mot, mes sinistres pressentiments se sont réalisés, la pauvre enfant n’a pas eu un seul prix ! Pour l’écriture, toutes ses camarades la surpassaient ; car, si ses lettres, prises isolément sont nettes et belles, l’ensemble manque de régularité et d’assurance ; elle calcule avec exactitude, mais beaucoup plus lentement que ses compagnes. Des examens sur des points plus importants où elle aurait pu se distinguer, ont été supprimés faute de temps. Pour la langue française, elle s’est intimidée ; tandis que d’autres, moins avancées qu’elle, parlaient, péroraient même sans se troubler. Quant à l’histoire, sa mémoire se refuse à retenir les dates et les noms ; et dans la géographie, elle oublie toujours les classifications politiques. En musique, elle ne conçoit que des mélodies touchantes et modestes que l’on n’a pas jugées dignes de faire entendre. Je suis persuadé qu’elle aurait emporté, du moins, le prix de dessin, car ses lignes sont correctes et pures, et son exécution soignée et spirituelle, mais elle avait entrepris un travail trop grand ; il ne lui a pas été possible de le terminer.