Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/57

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et s’était interrompu pour faire des observations ironiques.

— En voilà assez ! s’écria-t-il enfin, tout est décidé, ma chère Charlotte, tu vas avoir une aimable compagne. Cela m’enhardit à te communiquer mon projet. Écoute-moi bien : Le Capitaine a besoin que je le seconde dans ses travaux, et je désire m’établir dans l’aile gauche qu’il habite, afin de pouvoir lui consacrer les premières heures de la matinée et les dernières de la soirée qui sont les plus favorables au travail. Cet arrangement te procurera en même temps l’avantage de pouvoir installer ta nièce commodément auprès de toi.

Charlotte ne s’opposa point à ce désir, et le Baron peignit avec feu la vie délicieuse qu’ils allaient mener désormais.

— Sais-tu bien, ma chère Charlotte, dit-il en s’interrompant tout à coup, que c’est bien aimable de la part de ta nièce d’avoir mal précisément au côté gauche de la tête, car je souffre fort souvent du côté droit. Si nos accès nous prennent quelquefois en même temps, je m’appuierai sur le coude droit, elle sur le coude gauche, et nos têtes suivront chacune une direction opposée. Te fais-tu une juste idée de la suave harmonie d’un pareil tableau ?

Le Capitaine assura en riant que cette opposition apparente pourrait finir par un rapprochement dangereux.

— Ne songe qu’à toi, mon cher ami, s’écria gaiement Édouard, oui, oui, surveille-toi de près, garde-toi du _D_ ; que deviendrait le _B_, si on lui arrachait son _C_ ?

— Il me semble, dit Charlotte, que sa position ne serait ni embarrassante ni malheureuse.

— C’est juste, répondit Édouard, il reviendrait tout entier à son _A_ chéri.