Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/63

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s’empresser autour de lui, il regarda avec une surprise douloureuse les hommes au milieu desquels il se trouvait en ce moment, et dont pas un ne songea à relever cette pomme. Il fut obligé delà ramasser lui-même.

Je ne sais si j’ai eu tort ou raison : mais cette anecdote m’a si fortement impressionnée, la position de ce roi m’a paru si cruelle, qu’il m’est presque impossible de voir tomber quelque chose sans le relever à l’instant. Cependant, puisque cela n’est pas toujours convenable, je me surveillerai désormais ; car, ajouta-t-elle en souriant, je ne pourrais pas expliquer ma conduite à tout le monde, comme je viens de le faire avec vous, en racontant mon anecdote.

Le Baron et le Capitaine continuèrent à s’occuper de la réalisation de leurs projets de réforme et d’embellissement ; et souvent des circonstances imprévues leur en suggérèrent de nouveaux.

Un jour qu’ils traversaient le village, ils ne purent s’empêcher de remarquer qu’il offrait un contraste aussi frappant que désagréable avec les jolis villages suisses dont ils avaient souvent admiré ensemble l’aspect riant et propre. Le Capitaine fit observer à son ami, que l’ordre et la propreté résultent naturellement de la nécessité d’utiliser un espace étroit.

— Tu n’as sans doute pas oublié, continua-t-il, que pendant notre tournée en Suisse, tu t’es promis d’établir, dans tes domaines, des hameaux semblables à ceux que tu y avais remarqués. Cette ressemblance ne devait pas consister dans la construction, mais dans l’ordre et la propreté qui règnent dans les chalets ?

— Je m’en souviens fort bien, répondit Édouard, et je crois qu’il serait facile de réaliser cette intention. La montagne