Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/72

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des lieux de repos inconnus. Le Capitaine et Charlotte suivaient sans défiance et sans inquiétude les traces des deux aventuriers ; souvent ils les oubliaient complètement, tant leur conversation calme et grave en apparence avait de charme pour eux.

Un jour ils dirigèrent leur promenade vers l’auberge du village, passèrent les ponts et arrivèrent auprès des étangs dont ils suivirent les bords que fermaient les collines boisées jusqu’au point où des rochers arides les rendaient impraticables. Il paraissait impossible de pousser la promenade plus loin. Édouard cependant gravit la montagne avec Ottilie ; car il savait que dans cette agreste solitude il trouverait un moulin aussi remarquable par sa situation que par l’ancienneté de sa structure.

Après avoir erré pendant quelque temps au milieu de rochers couverts de mousse, il s’aperçut qu’il s’était égaré, ce qui l’inquiéta d’autant plus, qu’il n’osa l’avouer à sa compagne. Heureusement il ne tarda pas à entendre le bruit du traquet du moulin et le bruissement d’un torrent. En suivant la direction de ce bruit, ils s’avancèrent sur la pointe d’un roc d’où ils aperçurent à leurs pieds, au fond d’un ravin que traversait un ruisseau rapide, une noire et antique maison de bois ombragée par des arbres centenaires et des rochers à pic. Ottilie se décida courageusement à descendre vers cet abîme, Édouard marcha devant elle ; se retournant à chaque instant, il admirait l’équilibre gracieux avec lequel cette jeune fille se balançait, pour ainsi dire, au-dessus de sa tête ; mais dès que les pierres qui lui servaient de marches se trouvaient à des distances trop éloignées, il lui tendait la main et elle y posait la sienne. Parfois même elle s’appuyait sur son épaule,