Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/74

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oignez-le de votre sein… Ma crainte est exagérée peut-être, mais il m’est impossible de la surmonter.

Ottilie l’avait écouté en silence et les yeux fixés vers la terre. Dès qu’il cessa de parler, elle détacha le portrait de la chaîne qui le retenait, le pressa contre son front, leva les yeux vers le ciel plutôt que vers son ami, et lui remit le médaillon sans hésitation et sans empressement.

— Prenez-le, lui dit-elle, vous me le rendrez quand nous serons de retour au château, ou plutôt, lorsque je lui aurai trouvé une place convenable dans ma chambre. Voilà tout ce que je puis faire pour vous prouver que je sais apprécier votre bienveillante sollicitude.

Édouard n’osa appuyer ses lèvres sur le médaillon ; mais il saisit la main de la jeune fille et la porta sur ses yeux. C’étaient les deux plus belles mains qui se fussent jamais unies. Il lui semblait qu’une barrière mystérieuse qui, jusque là, l’avait séparé d’elle, venait de disparaître pour toujours.

Le meunier revint en ce moment suivi de Charlotte et du Capitaine. Les amis se retrouvèrent avec plaisir : on se rafraîchit en buvant du lait, on se reposa sur le gazon, et le temps s’écoula au milieu d’une douce conversation.

Il fallut songer au retour. Suivre le chemin que le meunier avait fait prendre à Charlotte et au Capitaine, eût été trop monotone, Édouard proposa un sentier qui conduisait à travers les rochers jusque sur les bords de l’étang. On le prit sans hésiter, et tous eurent lieu d’en être satisfaits. Cette route, quoique fatigante, n’avait rien de dangereux, et offrait à chaque instant les points de vue les plus pittoresques et les plus inattendus. Ici s’étendaient des villages, des bourgs et