Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/92

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— Parce que je n’aime pas les fêtes bruyantes. J’arrive aujourd’hui, pour célébrer avec vous seuls, et en paix, le lendemain de l’anniversaire de la naissance de notre excellente amie.

— Comment vous a-t-il été possible de trouver assez de temps pour nous faire ce plaisir ? dit Édouard en riant.

— Je désire que ma visite vous soit en effet agréable ; en tout cas, vous la devez à une observation que je me suis faite à moi-même ce matin. J’ai tout récemment rétabli l’harmonie dans une famille qu’un malentendu avait divisée, et j’y ai fort gaîment passé une partie de la journée d’hier. Ce matin je me suis dit : Tu ne partages jamais que le bonheur qui est ton ouvrage, c’est de l’égoïsme, c’est de l’orgueil. Réjouis-toi donc aussi avec les amis dont jamais rien n’a troublé la bonne intelligence. Aussitôt dit, aussitôt fait, je savais qu’on venait de célébrer ici une fête de famille, et me voilà.

— Je conçois, dit Charlotte, qu’une société bruyante et nombreuse vous déplaise et vous fatigue ; mais j’aime à croire que vous verrez avec plaisir les amis que nous attendons aujourd’hui. Ils ne vous sont pas inconnus ; je dirai plus, ils ont déjà plus d’une fois mis votre esprit conciliant à l’épreuve ; vos efforts ont échoué contre une passion obstinée… Enfin, le Comte et la Baronne ne tarderont pas à arriver.

Mittler saisit son chapeau et sa cravache, et s’écria avec colère :

— Ma mauvaise étoile ne me laissera donc pas un instant de repos ! Aussi, pourquoi suis-je sorti de mon caractère ? pourquoi suis-je venu ici sans y avoir été appelé ? J’ai mérité d’en être chassé ! Oui, je suis chassé d’