Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/117

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laisser leurs plaisirs, et d’augmenter leur bonheur en le partageant avec eux. Est-il en ta puissance, lorsque leur âme est agitée par une passion violente, ou flétrie par la douleur, d’y verser une goutte de consolation ?

« Et lorsque l’infortunée que tu auras minée dans ses beaux jours succombera enfin à sa dernière maladie ; lorsqu’elle sera là, couchée devant toi, dans le plus triste abattement ; qu’elle lèvera au ciel des yeux éteints et que la sueur de la mort séchera sur son front ; que, debout devant son lit, comme un condamné, tu sentiras que tu ne peux rien faire avec tout ton pouvoir ; que tu seras déchiré d’angoisses, et que vainement tu voudras tout donner pour faire passer dans cette pauvre créature mourante un peu de confortation, une étincelle de courage !… »

Le souvenir d’une scène semblable, dont j’ai été témoin, se retraçait à mon imagination dans toute sa force. Je portai mon mouchoir à mes yeux, et je quittai la société. La voix de Charlotte, qui me criait : « Allons, partons ! » me fit revenir à moi. Comme elle m’a grondé en chemin sur l’exaltation que je mets à tout ! que j’en serais victime, que je devais me ménager ! O cher ange ! je veux vivre pour toi.