Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/156

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10 septembre.

Quelle nuit, Wilhelm ! À présent, je puis tout surmonter. Je ne la verrai plus. Oh ! que ne puis-je voler à ton cou, mon bon ami, et t’exprimer, par mes transports et par des torrents de larmes, tous les sentiments qui bouleversent mon cœur ! Me voici seul : j’ai peine à prendre mon haleine ; je cherche à me calmer ; j’attends le matin, et au matin les chevaux seront à ma porte.

Ah ! elle dort d’un sommeil tranquille, et ne pense pas qu’elle ne me reverra jamais. Je m’en suis arraché ; et, pendant deux heures d’entretien, j’ai eu assez de force pour ne point trahir mon projet. Et, Dieu ! quel entretien !

Albert m’avait promis de se trouver au jardin, avec Charlotte, aussitôt après le souper. J’étais sur la terrasse, sous les hauts marronniers, et je regardais le soleil que, pour la dernière fois, je voyais se coucher au delà de la riante vallée et se réfléchir dans le fleuve qui coulait tranquillement. Je m’étais si souvent trouvé à la même place avec elle ! nous avions tant de fois contemplé ensemble ce magnifique spectacle ! et maintenant… J’allais et venais dans cette allée que j’aimais tant ! Un attrait sympathique m’y avait si souvent amené, avant même que je connusse Charlotte ! et quelles délices lorsque nous nous découvrîmes réciproquement notre inclination pour