Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/168

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lui adressai presque toujours la parole. En moins d’une demi-heure je démêlai, ce que l’aimable nièce m’a avoué depuis, que la chère tante était dans un grand dénuement de tout ; qu’elle n’avait, en fait d’esprit et de bien, pour toute ressource que le nom de sa famille, pour tout abri que le rang derrière lequel elle est retranchée, et pour toute récréation que le plaisir de regarder fièrement les bourgeois du balcon de son premier étage. Elle doit avoir été belle dans sa jeunesse. Elle a passé sa vie à des bagatelles, et a fait le tourment de plusieurs jeunes gens par ses caprices. Dans un âge plus mûr, elle a baissé humblement la tête sous le joug d’un vieil officier qui, pour une médiocre pension qu’il obtint à ce prix, passa avec elle le siècle d’airain et mourut. Maintenant elle se voit seule dans le siècle de fer, et ne serait pas même regardée, si sa nièce n’était pas si aimable.




8 janvier 1772.

Quels hommes que ceux dont l’âme tout entière gît dans le cérémonial, qui passent toute l’année à imaginer les