Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

courbé entre les rochers, et paraissait chercher des simples. Je me suis approché de lui, et, le bruit que j’ai fait en arrivant l’ayant fait se retourner, j’ai vu une physionomie tout à fait intéressante, couverte d’une tristesse profonde, mais qui n’annonçait rien d’ailleurs qu’une âme honnête. Ses cheveux étaient relevés en deux boucles avec des épingles, et ceux de derrière formaient une tresse fort épaisse qui lui descendait sur le dos. Comme son habillement indiquait un homme du commun, j’ai cru qu’il ne prendrait pas mal que je fisse attention à ce qu’il faisait ; et, en conséquence, je lui ai demande ce qu’il cherchait. « Je cherche des fleurs, a-t-il répondu avec un profond soupir, et je n’en trouve point. — Aussi n’est-ce pas la saison, lui ai-je dit en riant, — Il y a tant de fleurs ! a-t-il reparti en descendant vers moi. Il y a dans mon jardin des roses et deux espèces de chèvrefeuille, dont l’une m’a été donnée par mon père. Elles poussent ordinairement aussi vite que la mauvaise herbe, et voilà déjà deux jours que j’en cherche sans en pouvoir trouver. Et même ici, dehors, il y a toujours des fleurs, des jaunes, des bleues, des rouges, et la centaurée aussi est une jolie petite fleur : je n’en puis trouver aucune. » J’ai remarqué en lui un certain air hagard ; et, prenant un détour, je lui ai demandé ce qu’il voulait faire de ces fleurs. Un sourire singulier et convulsif a contracté les traits de sa figure. « Si vous voulez ne point me trahir, a-t-il dit en appuyant un doigt sur sa bouche, je vous