Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/216

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Puisse-t-il mourir dans le désespoir, celui qui se rit du malade qui, pour aller chercher des eaux minérales éloignées, fait un long voyage qui augmentera sa maladie et rendra la fin de sa vie plus douloureuse ! celui qui insulte à ce cœur oppressé qui, pour se délivrer de ses remords, pour calmer son trouble et ses souffrances, fait un pèlerinage au saint sépulcre ! Chaque pas qu’il fait sur la terre durcie, par des routes non frayées, et qui déchire ses pieds, est une goutte de baume sur sa plaie ; et à chaque jour de marche il se couche le cœur soulagé d’une partie du fardeau qui l’accable… Et vous osez appeler cela rêveries, vous autres bavards, mollement assis sur des coussins ! Rêveries !… O Dieu ! tu vois mes larmes… Fallait-il, après avoir formé l’homme si pauvre, lui donner des frères qui le pillent encore dans sa pauvreté, et lui dérobent ce peu de confiance qu’il a en toi ? car la confiance en une racine salutaire, dans les pleurs de la vigne, qu’est-ce, sinon la confiance en toi, qui as mis dans tout ce qui nous environne la guérison et le soulagement dont nous avons besoin à toute heure ? O père que je ne connais pas, père qui remplissais autrefois toute mon âme, et qui as depuis détourné ta face de dessus moi, appelle-moi vers toi ! ne te tais pas plus longtemps ; ton silence n’arrêtera pas mon âme altérée… Et un homme, un père, pourrait-il s’irriter de voir son fils, qu’il n’attendait pas, lui sauter au cou, en s’écriant : « Me voici revenu, mon père ; ne vous fâchez point si j’interromps un voyage que