Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/267

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lettres. Quelques-unes semblaient contenir des choses peu agréables. Charlotte lui adressa quelques questions ; il y répondit brièvement, et se mit à écrire à son bureau.

Ils étaient restés ainsi ensemble pendant une heure, et Charlotte s’attristait de plus en plus. Elle sentait combien il lui serait difficile de découvrir à son mari ce qui pesait sur son cœur, fût-il même de la meilleure humeur possible. Elle tomba dans une mélancolie d’autant plus pénible, qu’elle cherchait à la cacher et à dévorer ses larmes.

L’apparition du domestique de Werther augmenta encore le tourment de Charlotte. Il remit le petit billet à Albert, qui se retourna froidement vers sa femme, et lui dit : « Donne-lui les pistolets. Je lui souhaite un bon voyage, » ajouta-t-il en s’adressant au domestique. Ce fut un coup de foudre pour Charlotte. Elle tâcha de se lever, les jambes lui manquèrent ; elle ne savait ce qui se passait en elle. Enfin elle avança lentement vers la muraille, prit d’une main tremblante les pistolets, en essuya la poussière. Elle hésitait, et aurait tardé longtemps encore à les donner, si Albert ne l’y avait forcée par un regard interrogatif. Elle remit donc les funestes armes au jeune homme, sans pouvoir prononcer un seul mot. Quand il fut sorti de la maison, elle prit son ouvrage, et se retira dans sa chambre, livrée à une inexprimable agitation. Son cœur lui présageait tout ce qu’il y a de plus sinistre. Tantôt elle voulait aller se jeter aux pieds de son mari, lui