Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/270

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la chambre, ainsi que celle des gens de la maison, était sur le derrière, fort éloignée de la sienne. Le domestique se coucha tout habillé, pour être prêt de grand matin : car son maître lui avait dit que les chevaux de poste seraient à la porte avant six heures.

Après onze heures.

« Tout est si calme autour de moi, et mon âme est si paisible ! Je te remercie, ô mon Dieu, de m’avoir accordé cette chaleur, cette force, à ces derniers instants !

« Je m’approche de la fenêtre, ma chère, et à travers les nuages orageux je distingue encore quelques étoiles éparses dans ce ciel éternel. Non, vous ne tomberez point ! L’Éternel vous porte dans son sein, comme il m’y porte aussi. Je vois les étoiles de l’Ourse, la plus chérie des constellations. La nuit, quand je sortais de chez toi, Charlotte, elle était en face de moi. Avec quelle ivresse je l’ai souvent contemplée ! Combien de fois, les mains élevées vers elle, je l’ai prise à témoin comme un signe, comme un monument sacré de la félicité que je goûtais alors, et même… O Charlotte ! qu’est-ce qui ne me rappelle pas ton souvenir ? Ne suis-je pas environné de toi ? et n’ai-je pas, comme un enfant, dérobé avidement mille bagatelles que tu avais sanctifiées en les touchant ?