Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

second beaucoup d’étourderie et de vivacité. Elle les chargea de mille caresses pour les petits, et nous continuâmes notre route.

« Avez-vous achevé, dit la cousine, le livre que je vous ai envoyé ? — Non, répondit Charlotte ; il ne me plaît pas ; vous pouvez le reprendre. Le précédent ne valait pas mieux. » Je fus curieux de savoir quels étaient ces livres. À ma grande surprise, j’appris que c’étaient les œuvres de *** [1]. Je trouvais un grand sens dans tout ce qu’elle disait ; je découvrais, à chaque mot, de nouveaux charmes, de nouveaux rayons d’esprit dans ses traits que semblait épanouir la joie de sentir que je la comprenais.

« Quand j’étais plus jeune, dit-elle, je n’aimais rien tant que les romans. Dieu sait quel plaisir c’était pour moi de me retirer le dimanche dans un coin solitaire pour partager de toute mon âme la félicité ou les infortunes d’une miss Jenny ! Je ne nie même pas que ce genre n’ait encore pour moi quelque charme ; mais, puisque j’ai si rarement aujourd’hui le temps de prendre un livre, il faut du moins que celui que je lis soit entièrement de mon goût. L’auteur que je préfère est celui qui me fait retrouver le monde où je vis, et qui peint ce qui m’entoure, celui dont les récits intéressent mon cœur et me charment autant que ma vie domestique, qui, sans être un

  1. Nous nous voyons obligé de supprimer ce passage, afin de ne causer de peine à personne, quelque peu d’importance que puisse attacher un écrivain aux jugements d’une jeune fille et d’un jeune homme à l’esprit aussi inconstant.