Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/138

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Le philosophe hocha de l’épaule.

— Dieu sait comment l’expliquer. Il est reconnu que les seigneurs désirent parfois des choses où l’homme le plus savant ne saurait rien comprendre. N’y a-t-il pas un proverbe qui dit : Saute, diable, comme le seigneur l’ordonne ?

-— Mais ne dis-tu pas des bêtises, seigneur philosophe ?

— Que le tonnerre me frappe sur la place si je mens. — N’eût-elle vécu, hélas ! qu’une minute de plus, dit amèrement le centenier, j’aurais certainement tout su. « Ne permets à personne de me lire les prières, mais envoie, papa, au séminaire de Kiew, à l’instant même, et fais amener le boursier Thomas Brutus. Qu’il prie trois nuits pour mon âme pécheresse ; il sait… » Mais ce qu’il sait, je n’ai pas pu l’entendre. Elle, pauvre petit pigeon, ne put rien ajouter, et mourut. Toi, brave homme, tu es certainement connu pour la sainteté de ta vie et pour des actions agréables à Dieu ; ma fille, peut-être, avait ouï parler de toi.

— Qui, moi ? dit le boursier en reculant de surprise… La sainteté de ma vie ? continua-t-il en regardant droit dans les yeux du centenier. Que Dieu soit avec vous, seigneur ; que dites-vous là ? Mais moi, quoiqu’il soit indécent de le dire, je suis allé faire une visite à la pâtissière le jeudi saint.