Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/141

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Mais, malheur à moi, ma petite fleur des champs, ma petite caille, ma lumière ! Je devrai vivre le reste de mes jours sans l’ombre d’une joie, obligé d’essuyer avec le pan de mon habit les grosses larmes qui couleront de mes yeux flétris, tandis que mon ennemi vivra dans le plaisir, et rira en cachette du vieillard impuissant. —

Il s’arrêta ; il n’en pouvait plus. Sa douleur déchirante éclata en un torrent de larmes. Le philosophe fut touché d’une pareille affliction. Il toussa légèrement pour éclaircir sa voix. Le centenier se retourna et lui montra sa place près de la tête de la morte, devant un petit pupitre qui portait quelques livres.

— Trois nuits sont bientôt passées, dit le philosophe ; et puis le seigneur me remplira mes deux poches de ducats. —

Il s’approcha de nouveau, et après avoir encore une fois toussé, il se mit à lire, sans détourner les yeux, et avec la ferme résolution de ne pas regarder la morte. Bientôt il remarqua que le centenier était sorti. Il tourna lentement la tête, et….

Un tremblement convulsif le saisit. Devant lui, se trouvait une beauté comme il ne s’en montre que rarement sur la terre. Jamais visage n’avait réuni une beauté plus prononcée et plus harmonieuse tout à la fois. Elle paraissait vivre. Son front, blanc et pur comme la neige, comme l’ar-