Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/175

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avait souri ; on l’avait fait sonneur du plus haut clocher de la ville, et il ne se montrait plus maintenant qu’avec un nez meurtri, parce que l’escalier en bois de ce clocher était horriblement mal construit.

— As-tu entendu dire ce qui est arrivé à Thomas ? dit en s’approchant de lui Tibère Gorobetz, qui était déjà devenu philosophe et portait moustaches.

— C’est Dieu qui l’a voulu, dit le sonneur ; allons au cabaret et buvons à sa mémoire.

Le jeune philosophe, qui commençait à user de ses priviléges avec toute la ferveur d’un enthousiaste, de manière que son caftan, son pantalon, et jusqu’à son bonnet, sentaient l’eau-de-vie et le tabac, s’empressa d’accepter la proposition d’Haliava.

— Quel excellent homme était Thomas ! dit le sonneur, quand le cabaretier boiteux posa le troisième broc devant lui ; quel fameux homme ! et le voilà qui a péri pour rien !

— Et moi, je sais pourquoi ; c’est parce qu’il a eu peur. S’il n’avait pas eu peur, la sorcière n’aurait pu lui faire aucun mal. Il faut seulement, dans ces cas-là, après avoir fait le signe de la croix, tâcher de lui cracher sur le bout de la queue. Je sais cela ; car toutes nos marchandes ici, à Kiew, sont des sorcières.