Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/53

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exprimer ce que j’ai ressenti quand on s’est mis à me verser, goutte à goutte, de l’eau froide sur la tête. Je n’ai jamais éprouvé un pareil enfer. J’étais prêt à devenir furieux ; de façon qu’on ne m’a retenu qu’à grand’peine. Je ne comprends pas du tout la signification d’une pareille coutume. C’est une coutume sotte, stupide, insensée. Je ne comprends pas non plus la folie des rois qui ne l’ont pas abolie jusqu’à présent. Je commence à croire que je suis tombé dans les mains de l’inquisition, et que celui que je prenais pour le chancelier n’est autre chose que le grand inquisiteur lui-même. Mais je ne puis comprendre comment un roi peut être soumis à l’inquisition. Cependant il serait possible que la France en fût cause, et surtout Polignac. Oh ! ce coquin de Polignac ! il m’a juré une haine mortelle, et le voilà qui me poursuit, qui me poursuit.... Mais je sais ton affaire, camarade ; ce sont les Anglais qui te font aller. Les Anglais sont de grands politiques ; ils se fourrent partout. Le monde entier sait que quand l’Angleterre prend du tabac, c’est la France qui éternue.

Aujourd’hui, le grand inquisiteur est venu dans ma chambre. Dès que j’entendis le bruit de ses pas, je m’empressai de me cacher sous une chaise. Ne me voyant pas, il se mit à m’appeler. Il commença par dire :