Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/68

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la rivière qui miroite dans le sombre lointain ; les arbres bruissent faiblement… Ô mon Dieu, quelle longue file de souvenirs passent devant mon imagination !… Les chaises de ce vieux ménage étaient en bois, et massives, comme on les faisait jadis ; elles avaient toutes de très-hauts dossiers, travaillés au tour, sans couleur, sans vernis. Elles n’étaient pas même rembourrées, et ressemblaient aux siéges sur lesquels s’assoient nos archevêques. De petites tables dans les coins ; d’autres tables carrées devant le sofa et devant la glace entourée d’un cadre en feuillage doré ; un tapis avec des oiseaux qui ressemblent à des fleurs, et des fleurs qui ressemblent à des oiseaux ; voilà tout l’ameublement de la maisonnette occupée par mes deux vieux époux. La chambre des servantes était toujours remplie de filles jeunes et vieilles en robes rayées. Pulchérie Ivanovna leur donnait quelquefois à coudre des bagatelles, ou à nettoyer des fruits ; la plupart d’entre elles dormaient dans la cuisine… Pulchérie Ivanovna croyait nécessaire de les tenir toutes sous la clef de la maison, et de surveiller sévèrement leurs mœurs ; mais, à sa grande surprise, il ne se passait pas de mois que la taille de quelqu’une de ces filles ne devînt plus ample qu’à l’ordinaire ; et cela semblait d’autant plus étrange qu’il n’y avait pas dans toute la maison un seul homme non marié, excepté cepen-