Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/89

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femme de charge qu’elle avait fait appeler exprès ; quand je serai morte, prends soin de ton seigneur comme de ton œil, comme de ton propre enfant. Fais bien attention qu’on ne lui prépare que les plats qu’il aime ; que son linge et ses habits soient toujours propres ; s’il vient des visites, habille-le comme il faut ; pour qu’il n’aille pas à leur rencontre dans une vieille robe de chambre, car il commence à ne plus distinguer les jours de fête des jours ordinaires. Ne le quitte pas des yeux, Iavdoka ; je prierai pour toi dans l’autre vie, et Dieu te récompensera. N’oublie pas ce que je te dis, Iavdoka ; tu es déjà vieille, tu n’as plus longtemps à vivre ; ne mets pas de péchés sur ton âme. Mais, si tu ne prends pas bien soin de lui, tu n’auras pas de bonheur dans ce monde ; je prierai moi-même Dieu qu’il ne t’accorde pas une bonne fin. Toi-même tu seras malheureuse, et tes enfants seront malheureux, et toute ta famille n’aura jamais en rien la bénédiction de Dieu. —

Pauvre vieille ! elle ne pensait alors ni au solennel moment qu’elle allait bientôt passer, ni à son âme, ni à la vie future. Elle ne pensait qu’à son pauvre compagnon du voyage de cette vie, qu’elle laissait ainsi seul et comme orphelin. Avec beaucoup d’ordre et de lucidité, elle régla toutes ses affaires, de façon qu’Athanase Ivanovitch ne pût pas se ressentir de son absence. La conviction