Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/105

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« C’est ma foi vrai ! s’écria l’employé. Quelle étrange aventure ! La place est lisse et plate comme une crêpe au sortir de la poêle !

– Refuserez-vous encore d’accepter mon annonce ? Impossible de rester comme ça, vous le voyez bien ! Je vous serai extrêmement reconnaissant et me félicite que cette aventure m’ait procuré le plaisir de votre connaissance. »

Le major, on le voit, s’était résolu à baisser un peu le ton : une fois n’est pas coutume…

« Évidemment, acquiesça l’employé, cela peut se faire ; mais, à mon sens, pareille annonce ne vous servira de rien. Mieux vaudrait soumettre le cas à un habile écrivain : il le présentera comme un jeu bizarre de la nature et publiera son article dans l’Abeille du Nord (ici l’employé huma une nouvelle prise) au grand profit de la jeunesse (ici l’employé s’essuya le nez) ou, simplement, à la grande satisfaction des curieux. »

Le major avait perdu tout espoir. Ses yeux tombèrent sur une annonce de spectacle, au bas d’une page de journal. Au nom d’une charmante actrice il s’apprêtait à sourire, voire à chercher dans sa poche un billet de cinq roubles, car il était d’avis que les officiers supérieurs ne doivent se montrer qu’aux fauteuils. Mais, hélas ! le souvenir de son nez absent lui revint…

L’employé lui-même parut touché de la situation embarrassée de Kovaliov. Désireux de lui alléger sa peine, il jugea convenable de lui témoigner un peu de sympathie.

« Je suis vraiment désolé de ce qui vous arrive. Puis-je vous offrir une prise ? Cela calme les maux