Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/110

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« C’est bien ici qu’habite M. l’assesseur de collège Kovaliov ? »

Le major bondit.

« Entrez ; le major Kovaliov est chez lui », dit-il en ouvrant la porte.

Celle-ci livra passage à un exempt de belle prestance, dont les joues plutôt rebondies se paraient de favoris ni trop clairs ni trop foncés, le même que nous avons rencontré au commencement de ce récit, au bout du pont Saint-Isaac.

« Vous avez perdu votre nez ?

– Tout juste.

– Eh, bien, il est retrouvé !

– Que dites-vous ? » s’écria le major Kovaliov, à qui la joie enleva l’usage de la parole. Il dévorait des yeux l’exempt planté devant lui, sur les lèvres et les joues duquel se jouait la lueur vacillante de la bougie. « Comment l’a-t-on retrouvé ?

– Oh, d’une manière fort étrange ! On l’a arrêté au moment où il se disposait à prendre la diligence de Riga. Il s’était depuis longtemps muni d’un passeport au nom d’un fonctionnaire. Et le plus bizarre, c’est que je l’ai tout d’abord pris pour un monsieur ! Heureusement que j’avais mes lunettes ! Cela m’a permis de reconnaître que ce n’était qu’un nez. Je dois vous dire que je suis myope : vous êtes là devant moi, mais je ne vois que votre visage, sans distinguer ni votre nez ni votre barbe. Ma belle-mère, j’entends la mère de ma femme, a, elle aussi, la vue faible. »

Kovaliov ne se sentait plus de joie.

« Où est-il ? Où est-il ? Que je coure le chercher !

– Inutile de vous déranger. Sachant que vous en