Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Seconde partie

Toute une file de voitures – landaus, calèches, drojkis – stationnait devant l’immeuble où l’on vendait aux enchères les collections d’un de ces riches amateurs qui somnolaient toute leur vie parmi les Zéphyrs et les Amours et qui, pour jouir du titre de mécènes, dépensaient ingénument les millions amassés par leurs ancêtres, voire par eux-mêmes au temps de leur jeunesse. Comme nul ne l’ignore, ces mécènes-là ne sont plus qu’un souvenir et notre XIXème siècle a depuis longtemps pris la fâcheuse figure d’un banquier, qui ne jouit de ses millions que sous forme de chiffres alignés sur le papier. La longue salle était pleine d’une foule bigarrée accourue en ce lieu comme un vol d’oiseaux de proie s’abat sur un cadavre abandonné. Il y avait là toute une flottille de boutiquiers en redingote bleue à l’allemande, échappés tant du Bazar que du carreau des fripiers. Leur expression, plus assurée qu’à l’ordinaire, n’affectait plus cet empressement mielleux qui se lit sur le visage de tout marchand russe à son comptoir. Ici ils ne faisaient point de façons, bien qu’il se trouvât